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En direct du Festival Magique de Forges les Eaux
dimanche 3 avril 2011 à 00h00 - 3 commentaires - 5402 lectures
Une drôle d'aventure ! Toute l'équipe du Festival de Magie de Rennes devait se retrouver à la 24ème édition du Festival de Forges les Eaux... Nous avons tous sous-estimé le succès de cette manifestation : elle affichait complet depuis pas mal de semaines.
Gérard (Souchet), engagé pour l'occasion, était sur place : c'est donc par cette voie là que j'ai pu m'infiltrer dans les coulisses et sentir l'ensemble de l'intérieur. Suivez le guide !
Pour commencer, le festival magique de Forges-les-Eaux, c'est du béton : 24 années de pratique et de succès continue, ça n'est pas du hasard. Surtout que Forges, petite ville thermale de 3500 habitants perdue au fin fond de la Haute Normandie est tout sauf facile d'accès. Jugez par vous-même : si je veux y aller en train à partir de Rennes, je dois me rendre à Paris, prendre un train pour Serqueux, puis un car pour Forges. Il me faudrait au mieux 6 à 7h00 de trajet. La voiture s'impose donc d'elle même : j'ai mis 3h20 pour rejoindre le Casino où se déroule la manifestation.
La réussite de ce festival, on le doit donc principalement à l'exceptionnelle équipe composée du duo Protat/Normag, Dorothée, Pat, Jean, Spontus et tous leurs compères... Le partenariat du Casino est évidemment un énorme plus : l'endroit est somptueux et tout à fait adapté à ce type de programmation.
Moralité : réunissez les talents des uns et des autres, le succès est forcément au bout.
Ce festival dure deux semaines ! Chaque midi, le spectacle se joue à guichet fermé. Les enfants ne sont pas oubliés, des matinées enfantines sont programmées. Puis il y a les week-ends : c'est dans ce cadre là que j'ai pu m'introduire accompagné de Monique, la "femme de sa vie" à Gérard.
Chronologie de la soirée :
Dès notre arrivée, Gérard nous accueille et nous propose de nous débarrasser de nos affaires. Puis, nous sommes invités à voir une séance de 20 minutes de Magie Nouvelle proposée par la Compagnie 14:20 et joué par la danseuse Fatou Traoré. Un essai, dans une petite salle du Casino. Nous nous plaçons juste devant.
Ceux qui me connaissent savent que je suis très réticent sur le concept de Magie Nouvelle. Bon, là, très clairement, je me suis pris une belle claque. C'est tout bonnement incroyable. J'y ai vu ce qu'on pourrait appeler de la "vraie" magie. Est-ce que c'est nouveau ? De mon point de vue non, puisque déjà en son temps le magicien Robin* utilisait les mêmes procédés. Plus proche de nous, si vous avez eu l'occasion d'aller applaudir la troupe du Roi Lion à Paris et celle de Mary Poppins à Londres (que je n'ai pas vue malheureusement), vous avez pu découvrir des "effets spéciaux" très magiques. C'est, à mon sens, dans ce cadre là que s'inscrirait la magie nouvelle, qui se veut cependant être un "langage", un peu dans l'esprit de l'art contemporain.
Revenons aux deux numéros proposés. Le premier se situe dans une pénombre plus que relative. Fatou Traoré est à terre. Elle rampe mais semble se déplacer toute seule, sans aucun geste. C'est assez déstabilisant, surtout avec la musique d'ambiance et l'éclairage. Puis elle effectue différents mouvements comme si elle était en apesanteur. L'effet obtenu est plutôt réussi avec toujours ce bémol lié à l'éclairage que j'avais déjà ressenti lors du spectacle d'Etienne Saglio, "Le Soir des Monstres".
Le second numéro, en revanche, m'a littéralement scotché. Bon, je ne vous parlerai pas de la technique utilisée que je devine très lourde, mais le résultat est là : Fatou propose une chorégraphie et, tout en se déplaçant dans l'espace on voit apparaître autour d'elle une sorte d'aura qui devient une ombre persistante. Puis elle se dédouble une première fois et danse avec son double avant de se dédoubler encore et encore : l'illusion est terrible puisque l'originale se fond avec ses "clones"... avant que tout ce petit monde ne disparaisse à vue, y compris la Fatou physique. J'ai trouvé ça assez énorme, c'est la première fois que je voyais en live l'application moderne des "Spectres de Robin" du magicien Robin* qui, dès 1863, utilisait des glaces sans tain pour faire apparaître des fantômes qui ne manquaient pas de surprendre jusqu'à l'hystérie les spectateurs d'alors.
Puis le grand gala est annoncé : un dîner spectacle mené tambour battant par tous les artistes engagés qui, pour la plupart, se produisent à la fois sur scène et en close-up.
L'irrésistible François Normag ouvre le bal avec son numéro d'apparitions de chandeliers avant de laisser la place à l'extravagante norvégienne Eva Julia Christiie et toute sa troupe : sur un rythme effréné, cette dernière fait apparaître une quantité invraisemblable de chiens, un loup, un chat et même un tigre !
Pour info, le thème de cette année, à Forges, c'est Las Vegas : ce premier gros numéro nous plonge directement dans la démesure si souvent associée à la capitale mondiale du jeu et du spectacle.
Suite à cette première partie, le repas débute. Au menu, différentes spécialités normandes, bien évidemment, mais aussi et surtout la participation en close-up de plusieurs magiciens :
- Gérard Souchet, qu'on retrouvera un peu plus tard sur scène
- Juliana Chen
- Yann Frish, le champion de France actuel
- Boris Wild
- Jean Fréel
- Hervé Listeur et Tommy Bird (sur des échasses : excellente idée !!)
- Miredieu
- Guilhem
- Hugues Protat
- François Normag
Au milieu du repas, Yann Frish nous fait le plaisir de nous présenter son numéro qui lui a valu le premier prix FFAP en octobre 2010. Issu de la Compagnie 14:20, membre de l'équipe de France de Magie, Yann mêle dans son numéro la jonglerie et la prestidigitation. Étonnamment, il s'agit d'un numéro muet et sans musique. Personnellement, je reste persuadé qu'il rendrait son show beaucoup plus accessible et populaire en s'appuyant sur une musique qui collerait à son personnage et son univers. Je ne sais pas comment ce numéro, que je trouve excellent en tant que magicien, est perçu par le grand public, mais il me paraît là aussi moins accessible dans le sens où on peut y voir un "essai".
Bref, il ne s'agit là que d'une impression : j'adore ce numéro, mais je pense qu'accompagné musicalement il gagnerait en popularité.
Le repas se termine vers 23h30 : le spectacle peut commencer ! Après une introduction complètement délirante mais toujours magique de François Normag en cosmonaute, c'est Juliana Chen, championne du monde de magie générale, qui nous propose son nouveau numéro d'apparition de poissons. Après avoir fait apparaître des ombrelles, Juliana produit des poissons rouges qu'elle met dans un aquarium. D'une passe magique, elle fait voyager l'ensemble de ces poissons vers un autre aquarium, à l'autre bout de la scène.
Le numéro est intéressant, mais on sent bien qu'il est en rôdage. De bonnes idées, j'ai été tout particulièrement bluffé par l'apparition des poissons dans une sorte de quêteuse transparente.
Le spectacle continue : Gérard Souchet, qui fera trois apparitions en tout, nous propose son excellente version du chapeau de tabarin, "chapeautée" justement par l'histoire de monsieur Marcel. Un peu plus tard, il nous reviendra avec son numéro de clochettes avant de terminer par son act d'ombromanie ; le tout parfaitement maîtrisé et enlevé comme à son habitude !
Parmi tous les magiciens présents à Forges ce soir là, il y en a un qui, vraiment, détonne complètement : humour, gentillesse, créativité, il est tout ça à la fois : Sylvester the Jester est soit fou soit suffisamment malin pour nous laisser douter, dans tous les cas il représente parfaitement le milieu du cartoon. Par sa tenue vestimentaire d'abord : couleurs vives, chapeau improbable il semble tout droit sorti des studios de Tex Avery.
Je n'ai pas eu l'occasion de voir ses œuvres en close-up, mais sur scène c'est un festival de gags visuels dont certains très originaux, le tout renforcé par des effets musicaux empruntés au monde du cartoon.
La séquence suivante nous plonge dans un milieu mi gothique, mi romantique : l'étrange Alberto Giorgi, accompagné de Laura, tous deux italiens, nous emmène dans son univers de grandes illusions qui lui a permis de rafler différents prix d'illusionnisme. Le résultat est convaincant, même si ça tourne toujours autour de mutilations (tête qui disparaît, puis le haut du corps dans un autre numéro...). J'ai juste ressenti une certaine redondance.
Hugues Protat, à son tour, intervient avec son personnage décalé venu tout droit du terroir : c'est à mourir de rire ! Aidé d'une spectatrice, il parvient à faire le numéro classique de l'eau retenue dans un verre retourné alors que tous les événements semblent contre lui : les micros qui se cassent, les chaises qui tombent, la table qui s'écroule, un véritable festival.
Il reviendra un plus tard accompagné de Dorothée pour un numéro de grandes illusions très sympa avec, notamment, l'utilisation du black art, technique que j'ai toujours trouvée convaincante pour plusieurs raisons : c'est net, c'est épuré et surtout ça marche ! Ils termineront ainsi le spectacle qui aura duré en tout et pour tout près de 2h30.
Mais juste avant ce final, un grand magicien était programmé : Maître Shimada lui-même ! Les plus jeunes magiciens n'ont sans doute jamais entendu parlé de lui, mais Shimada est une véritable légende vivante. A 71 ans, il continue de présenter son célèbre numéro de colombes tout en précision. Sur scène, j'avais l'impression de voir Slydini tant il joue sur l'économie de mouvement. Les apparitions de colombes sont incroyables de pureté. Tout est réglé à la perfection.
Shimada, un magicien d'exception : vous pensez bien que nous ne pouvions pas laisser passer une telle occasion. Gérard, programmé à Forges, a donc eu l'occasion d'échanger avec lui et a réussi à le convaincre de nous accorder une interview ! Ce que nous avons fait hier samedi avec la complicité de Boris Wild, qui s'est gentiment chargé de traduire en direct la conversation. Et quelle conversation ! Shimada est vraiment un maître. Je ne vais pas trop vous en dire pour le moment, mais c'est la première fois que je vois un interviewé sortir de sa poche son outil de travail pour nous expliquer sa façon de faire, son mode de pensée, sa technique, ses théories... Une grande, très grande leçon de la part d'un géant qui a su, en plus, rester super humble.
En attendant de retrouver l'interview ici et sur Chop-Cup, je vous livre quelques images vidéo exclusives :
Petit souvenir :
De gauche à droite : Vincent Delourmel, Boris Wild, Shimada, Gérard Souchet
*"Les Spectres de Robin" : l'illusion est décrite dans l'excellent ouvrage de Georges Moynet : "Trucs et Décors" - A la librairie illustrée - pages 276 à 279 - Année de publication : 1893.
Du même auteur :
- Journée histoire de la magie
- Festival de Magie, jour 4
- Technique de magie : Comment attirer l'attention
- Spectacle de magie : Pourquoi je suis fan de David Copperfield
- Festival de Magie, jour 3
Réactions
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franck
Ah bon, tu y étais au festival? ...waouh..veinard! ...lol
il y a 14 ans
Splitch
Oh oh oh, j'ai même des images qui le prouvent !!!! Une bande de jumeaux est passé par là...
il y a 14 ans
Marty
Bossard, si j'ai bien compris ta question, ne t'inquiètes pas, les interviews sont toujours en accès gratuit sur Club-De-Magie.
il y a 14 ans